30/5/06

La stratégie des cinq pas

Nian, Lian, Mian, Sui, Bu Diu Ding
Dans le tai chi, nous appliquons une stratégie logique et consistante avec le principe primordial de l’art – la non-résistance. Cette stratégie se résume en cinq éléments :
Nian – Adhérence
C’est surtout dans la pratique de tui shou (« la poussée des mains ») que le pratiquant de tai chi entraine cette faculté. Lors d’une partie de tui shou, on utilise les mains et les bras comme les antennes, très sensibles aux mouvements de l’autre. Bien évidemment, si l’on perd le toucher, on perd aussi une grande partie de sa capacité de ressentir les mouvements et les intentions de son partenaire. Ainsi faut-il adhérer à l’autre, se coller sur ses mouvements, sans résister bien sûr.
Mais Nian n’est pas qu’une question de toucher. Dans un sens plus large, il est question de suivre l’intention de l’adversaire avec tous ses sens. A propos cela, il est utile de réfléchir sur la question d’où poser le regard lors d’un combat. Si l’on regarde l’autre dans les yeux, il se peut que l’on puisse ressentir ses intentions. Par contre, celles-ci s’exprime aussi à traver le corps ; centrer le regard sur le nombril (ou le tan tien si vous préferez) permet de surveiller tous les membres aussi que l’intention et le mouvement.
Lian – Connectivité
Le caractère chinois « Lian » désigne, à l’origine, une chaine de chariots qui se déplacent ensemble. Ainsi est dérivé le sens de Connectivité, ou de Continuité.
Adhérer et suivre les mouvements de l’autre implique des mouvements de notre part, et des déplacements de notre centre de gravité en conséquence. C’est à dire, faire des déplacements avec les pieds, le corps, les membres, tout. Le mouvement de tous les divers composants corporels, y compris le mental, l’intention, doivent se faire de manière continue, connectée.
Dans la pratique de Tai Chi Chuan, le moindre geste implique la réorganisation de toute la structure corporelle, de façon fluide et continue. Tout le corps se déplace dans un seul geste, toutes les parties coordonnées les unes avec les autres. C’est un principe de base qui revient encore et encore.
Mian – Douceur
Un des noms anciens pour le Tai Chi Chuan est « Mian Chuan », le « boxe de coton ». On dit que les bras d’un maitre de l’art ressemble à des barres de fer entourés par des riches couches de coton.
Souvent on se trompe par rapport aux idées de « douceur » dans le Tai Chi. Beacoup confondent « douceur » avec « Yin », l’extrème du tai chi (en tant que concept taoiste) et opposé à « Yang ». Nous avons déjà fait des remarques sur l’importance d’une pratique équilibrée (2.1.1). Pensons un peu plus à ce que cela implique : Rester debout exige un certain effort, ainsi que respirer. Tenir le bras devant soi exige également du Yang. Adhérer aux mouvements de l’autre, se déplacer en conséquence : ça peut être un vrai effort physique !
Le muscle d’un animal en reste n’est pas contracté, mais se transforme dans un instant pour donner une énorme propulsion dès que l’animal saut. Ainsi le bras, le corps d’un maitre de tai chi : le Yin contien l’élément de Yang et tout l’art est de comprendre les deux et savoir transformer l’un dans l’autre sans même y penser.
Le douceur dans le Tai Chi est le Yin avec un élément de Yang, plus ou moins grand mais non pas dominant (ça serait Yang …). C’est un douceur alert, élastique, fluide. C’est les quatre grammes qui déplacent le poids de mille kilos.
Sui – Suivre
Certains traduisent ce principe en « céder », mais ce mot, bien qu’il donne l’idée générale, tende aussi à faire penser à « reculer » bien qu’on pourrait faire tout à fait l’inverse. « Donner place » aux mouvements de l’autre impliquent des mouvements dans tous les sens, y compris verticalement ! Sui équivaut mieux donc à « Suivre », parce que c’est cela qu’on fait.
Bien adhérer (Nian) exige du douceur (Mian). Notre « receptivité » nous permet donc de voir les mouvements de l’autre. Pour éviter les coups d’un adversaire, nous devons aussi le suivre (Sui), en se déplacent fluidement, avec des mouvements dans lesquels tout le corps est coordonné (Lian).
Bu Diu Ding – Refus de la force « brute »
Décomposer ce terme peut nous aider à comprendre son sens. « Bu » veut dire « non », « Diu » veut dire « perdre, abandonner », et « Ding » veut dire « opposer ».
Ainsi nous avons deux concepts en un. D’un côté, il s’agit de ne pas devenir trop tense, trop Yang et ainsi perdre son adhérence, son suivi de l’autre. De l’autre, nous ne devons non pas céder vainement à une agression, mais acceuiller l’attaque de l’adversaire avec un douceur elastique qui n’oppose pas, mais détourne, rédirige…
Ces cinq principes, la « stratégie des cinq pas », dirige la pratique de Tai Chi Chuan, s’appliquant aussi bien aux enchaînements qu’au San Shou (applications martiales). Leur application est surtout entraînée à travers la pratique de Tui Shou (poussée des mains).

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