6/6/06

Tai Chi et Kung Fu

Lors de mes premiers mois en France j’ai été surpris par l’absence apparente de dénomination des styles chinois. Dans tel ou tel centre, il y avait des cours de Judo, de Karaté, … et de Kung fu. Puis de Tai Chi parfois aussi. Cela ne correspondait pas à mon expérience de l’autre coté de la manche. A Londres, en faisait de la grue blanche, du Hung Gar, des 5 animaux, de la Main de Buddha, entre autres. Les cours de Tai Chi aussi étaient dénommés style Yang, Wu, Wudang etc. … mais beaucoup moins, c’est vrai. Mais personne ne faisait des cours de « Kung Fu » … car ça ne veut rien dire.
En fait oui, bien sur cela veut dire quelque chose : « le savoir faire ». Pour être au plus correct (même politiquement parlant) on dirait « kung fu wushu » - le savoir-faire des arts martiaux. Un Taiwanais dirait peut-être bien « kung fu guoshu » - le savoir-faire des arts nationaux. Aussi, il est vrai qu’au Hong Kong, dans le sud de la Chine et plus généralement dans le diaspora chinois lorsqu’on parle de Kung Fu (selon le contexte) le plus souvent on fait référence aux arts martiaux. Ainsi, le Karaté serait le Kung Fu Japonais, et la boxe anglaise (sorry !) serait le Kung Fu occidental.
Dans les cours de Dan, on commençait toujours avec la marche des sept étoiles (« qi xing bu »), suivi par des applications et autres exercices de Tui shou, le tout pimenté avec des roulades, des poiriers, des exercices avec la patte d’ours et d’autres « jiben gong ». A la fin on faisait un peu de forme – parfois plus, parfois moins. Ceux qui connaissent un peu le maître savent que les formes viennent des applications : c’était donc l’ordre des choses dans ses cours.
Aujourd’hui en 2006 je constate que pour la plupart des gens, y compris les pratiquants, lorsqu’on parle de Tai Chi on parle, en effet, des formes. La pratique de tui shou, pourtant toujours présente dans, disons 40% des écoles, reste souvent quelque chose pour les initiés ayant dix ans de pratique. La pratique martiale de l’art a disparue (sauf pour des styles peuplés d’irréductibles guerriers qui résistent encore et toujours … ), surtout en Chine populaire. Alors donc, quand on veut faire du combat à la Chinoise, on appelle ça Kung fu. Je constate aussi qu’on parle de « Tai Chi martial » : une dérive créée par le fait que le Tai Chi est devenu une gymnastique douce basée sur les formes. Comme si le Tai Chi Chuan pouvait être autre chose que martial !
Dans le Kung fu traditionnel, on fait une différence entre « externe » (Wai jia chuan) et « interne » (Nei jia chuan). Les deux approches ayant pour but de développer du Kung fu Wushu. L’externe, grosso modo, est censé se reposer sur une approche plus physique, plus orienté muscle, que l’interne, qui lui est censé être plus axé sur le développement du « Nei kung » (force interne) à travers des exercices normalement moins exigeants sur le plan physique. Il existe des différentes catégorisations : certains disent que l’externe veut dire « venu de l’extérieur » (de la Chine, l’Inde donc). On trouve aussi une distinction qui en est liée : que l’externe remonte au Bouddhisme (Inde) tandis que l’interne est associé au Taoïsme (Chine).
J’aimerais citer deux dictons « Kung Fu » : « l’externe et l’interne ne font qu’un », et « tous les Kung Fu vient de Shaolin ». Je suis d’accord pour le premier, mais non pas pour le deuxième. La théorie du Tai Chi Chuan est basé sur le jeu entre le Yin et le Yang (ce qu’on pourrait caractériser par l’interne et l’externe). Sans cet équilibre dynamique, on se retrouve soit trop endormi soit trop chargé. Dans les exercices qui font parti de l’art, dans le plus grand sens du terme, on retrouve des pratiques qu’on pourrait caractériser comme « externe » (endurcissements, travail d’endurance, utilisation de haltères, …), ainsi que des pratiques bien sur plus internes (postures, méditations, …). Alors, pour le Shaolin, ben certains disent que Chang san feng avait passé du temps au célebre temple. Peut-être bien et pourquoi pas ? Mais on ne pourrait pas dire la même chose, à ma connaissance, pour d’autres arts « taoistes », notamment les styles quasi-mythiques du mont Emei (pourtant une montage sacrée pour les bouddhistes). De toute façon, pour un sinophile, on ne pourrait jamais admettre qu’un élément culturel si important que le Kung Fu soit venu d’ailleurs. Il y avait forcément des pratiques martiales en Chine avant que Ta Mo (Bodhidharma) à mis ses pattes dans le pays du milieu.
Pour moi, en tant qu’enseignant et quelque part représentant du style Wudang, je dirais que le Tai Chi Chuan fait partie des Kung Fu Wushu, du côté des Nei Jia Quan. Dans mes cours, déjà il existe une différence : le Jiben gong/kung (« travail des bases fondamentales » … pour l’art martial) et les Daoyin (« travail sur la conscience de la geste » … mélange de qigong, assouplissements, Kung simple et technique pour les formes). On dit en anglais « If you can’t beat them, join them ». Encore une fois, pas d’accord. Je veux les changer, ces idées pernicieuses que Tai Chi égal formes. Alors, je propose une approche plus élargi dans laquelle on pratique le Nei jia chuan – en tant que « Kung Fu » et en tant que « Tai Chi ».

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